Pourquoi respire t-on par le nez en yoga?
Beaucoup de nouveaux venus en yoga arrivent dans un cours en ayant une pratique
de salle de sport où cela souffle et ahane tant et plus par la bouche. Ils se trouvent
alors très perturbés quand l'enseignant leur donne cette consigne de respirer
par le nez.
-"même l'expiration"?
- "même l'expiration."
- pourquoi?
Au lieu de répondre rapidement par un "parce que c'est comme ça en yoga!"
Réflechissons à ce détail qui fait toute la différence d'avec les techniques gymniques.
Le nez
Regardons l'anatomie du nez dans sa coupe longitudinale, comme si on
le tranchait dans la hauteur et vu d'en face. (planche1) ainsi que la coupe
latérale d'une narine (planche 2). contrairement à vague idée que l'on peut
en avoir, celle d'un simple conduit, un tuyau, servant de passage entre l'air
extérieur et les poumons, nous sommes surpris par la complexité et
l'importance de ce lieu de notre corps, car les cavités des sinus font
elles aussi partie de cette structure nasale. et cette complexité physique
recouvre une grande richesse de fonctions.
A peu près 20 000 litres d'air vont entrer quotidiennement dans notre
corps.
Pénétrant par les narines, cet air va immédiatement être "climatisé"
à la température du corps ainsi qu'humidifié de façon idéale. Les fosses
nasales vont aussi , grâce à leur mucus et à des cils vibratiles, filtrer
les poussières, pollutions, pollens, virus, bactéries, champignons......
ce qui confère à ces muqueuses un rôle immunitaire important, en
empêchant la propagation de ces agressions à l'oreille et aux bronches.
La mobilité des parois nasales fait que le calibre nasal se met
constamment en harmonie avec la capacité du soufflet thoracique.
Et la morphologie des fosses nasales va imprimer forme, direction,
volume et vélocité à l'air inspiré, ce qui va avoir un effet immédiat
sur les échanges gazeux, sur la circulation sanguine, sur l'équilibre
structurel des différents systèmes de notre corps, et sur la réserve
vitale.
La muqueuse nasale joue aussi un rôle sensoriel et contient les
terminaisons du nerf olfactif. L'odorat va permettre de contrôler
la qualité de l'air inspiré, et ainsi éviter ou réduire l 'ingestion
d'un air vicié et pollué.Bien sûr, l'odorat a aussi un rôle très
important dans la gustation, les aliments étant plus "sentis"
que goûtés.
Plus finement, la caresse du souffle passant sur les muqueuses nasales
va stimuler des points correspondant à des fonctions ou à des organes
de notre corps, faisant de l'intérieur de notre nez, un microcosme de notre
organisme et un territoire ayant une influence sur notre vitalité globale.
Enfin, le corps humain tire son énergie principale de l'oxygène, mais aussi,
de ce que l'on appelle prânâ, l'énergie de vie subtile qui imprègne et baigne
tout ce qui existe. Notre corps est sillonné d'une infinité de veines, tubes,
conduits, artères, capillaires, nerfs de toutes sortes, transportant, air, sang,
substances nutritives diverses mais il est aussi traversé des pieds au sommet
de la tête par une multitude de canaux subtils transportant le prânâ, on les
appelle les nâdî. Et parmi ces canaux , il en est trois essentiels. L'un va passer
à l'intérieur de la colonne vertébrale, les deux autres appelés idâ et pingalâ
aboutissent respectivement à la narine gauche et à la narine droite,
ce qui va polariser la respiration. L'équilibrage profond, à la fois le physique
et l'énergétique, va se faire par ces deux narines, car la respiration physique
et la respiration prânique sont absolument solidaires, et toute modification
de l'une va déterminer une modification de l'autre.
La bouche
La bouche, elle, a de multiples usages: ingestion des diverses nourritures,
solide, liquide, expression verbale, sonore, outil tactile de l'affection, de
l'amour......
Elle a aussi la possibilité de respirer , mais uniquement quand il y a urgence.
Quand il y a une obstruction mécanique des conduits du nez, ou bien au
cours d'efforts violents, ou quand le corps demande une grande activation
sanguine et musclaire comme dans la course à pied. Il est bon de souligner
qu'aucun mammifère ne respire par la bouche ,et que, chez eux, l'obstruction
des narines entraîne inéluctablement la mort. Seul, l'homme a cette possibilé
de sauvegarde de respirer par la bouche.
Comment respirons nous?
La respiration est le phénomène essentiel de la vie, et elle est aussi
individuelle que le sont les empreintes digitales. Elle révèle notre état de santé
physique et moral. En temps ordinaire et en général ,de façon inconsciente, tout
le monde respire par le nez, sauf cas d'obstruction mécanique comme nous
l'avons vu ci- dessus. La respiration participe à la fois de l'activité inconsciente,
mais aussi volontaire. Nous pouvons, à notre gré, accélérer, ralentir, suspendre
momentanément les mouvements du souffle, et aussi en augmenter ou diminuer
l'amplitude. Il est nécessaire que la respiration puisse se faire avec une aisance
égale par l'une ou l'autre narine. Au point de vue de la santé générale et aussi,
sur un plan prânique, une différence à ce niveau là, quelle soit partielle ou
totale est très fâcheuse car les poumons ne peuvent alors pas remplir leur
fonction normalement.
Quand on se propose une pratique gymnique, on s'oblige à respirer, surtout
à souffler, par la bouche, pensant ainsi accentuer et accélérer les résultats
voulus, à savoir, obtenir, par des épreuves physiques plus ou moins
intenses, un modelage du corps selon des schémas théoriques, souvent,
imposés par des phénomènes de mode. Ce faisant, on va accentuer une situation
duelle, déjà installée, à savoir le divorce corps-esprit. D'un côté nous avons un
corps physique, la plupart du temps perçu comme une matière inerte, malléable,
et de l'autre un mental orgueilleux et tyrannique qui s'y trouve prisonnier.
Cet habitacle, notre esprit va le soumettre à des modelages imposés par les
conventions sociales du moment. S'installe alors un rapport de force où l'on
cherche à "dompter la bête". On agite son corps, on se "remue", on lui
impose d'intenses efforts physiques où, en soufflant par la bouche, on
croit éliminer tout ce qui fait obstacle aux transformations phantasmatiques
désirées. Alors, non seulement il va y avoir brutalisation des délicats tissus
pulmonaires mais aussi, en respirant par la bouche, contrairement à ce que
l'on pense faire, on va aérer insuffisamment les poumons et évacuer l'air
de façon imparfaite, d'où un résidu d'air vicié impropre à l'oxygénation du
sang et occupant un espace respiratoire rendu indisponible. On s'installera
donc dans un état de quasi- asphyxie. Sur un autre plan, la bouche, n'ayant
pas de nâdî du souffle, la respiration prânique sera défectueuse, entraînant
une diminution de la vitalité avec des effets particulièrements marqués sur
les facultés intellectuelles.
Que se passe t-il en yoga?
Dès que nous abordons l'expérience du yoga, nous sommes invités à
prendre conscience de notre souffle. Et, être conscients du souffle, du
mouvement du souffle dans nos narines, nous place déjà dans une
qualité d'attention qui est un premier pas vers l'intériorité.
Nous pouvons, bien sûr, avoir conscience de la respiration buccale,
mais sans possibilé de nuancer autre chose que l'accèlèration ou
le ralentissement du débit. On ne pourra pas jouer sur la finesse,
la fraîcheur ou la chaleur ni sur la tactilité. Encore moins, mettre en place
l'expérience de jeux respiratoires plus ou moins complexes ayant un
impact profond sur les énergies et sur le mental.
La science du yoya a compris le lien absolu qu'il y a entre le souffle et
le mental. Au coeur de tout ce que propose le yoga, que ce soit, des
situations dynamiques ou statiques, nous sommes invités à garder un
souffle naturel, c'est à dire par le nez.
En ramenant le souffle à un rythme normal, cela tendra à supprimer
tout désordre émotionnel. Notre langage intérieur, qu'il soit hypertrophié
ou relativement paisible, va s'apaiser. Un espace de silence peut alors
s'ouvrir. Et c'est ,dans cet espace, que la posture pourra laisser rayonner
ses résonnances.
Le souffle par le nez va nous obliger à tout expérimenter en restant dans
l'intériorité, dont à tout intégrer. Les postures seront alors autant de situations
acceptées (facilement ou difficilement mais acceptées).
Et, en nous ouvrant aux résonnances profondes de chacune de ces mises
en forme, nous serons alors dans la totalité de nous mêmes , sans résistance,
sans à priori, sans d'autre objectif que celui de l'immédiat plaisir de l'expérience
et de la découverte de toutes nos composantes et de toutes nos richesses.
Tiré d'un article de Marguerite Aflallo